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Une vieille dame, toujours jeune et dynamique
L’harmonie de Courville sur Eure
Une origine imprécise
La fanfare de Courville est née officiellement le 3 avril 1872. Aucun document ne permet de préciser les conditions de sa création. Néanmoins, celle-ci s’inscrit dans un mouvement national. La guerre Franco Prussienne de 1870-1871 a laissé un pays traumatisé. L’Alsace et la Lorraine sont devenues allemande. La III° république, créée sur les ruines de l’Empire, doit relancer l’économie et relever moralement le pays de la défaite en attendant la revanche. La vie reprend, et la vie c’est la fête et la musique, qui lui est indissociable. Le mouvement de création d’orchestres de fanfare et d’harmonie, commencé dans les années 1840, s’accélère et touche les communes les plus modestes. L’annuaire d’Eure et Loir, pour l’année 1872, nous renseigne que l’orchestre placé sous la direction de M Durand compte dans ses rangs 28 musiciens. Cet orchestre est constitué uniquement de cuivres (bugle, baryton, basse contrebasse trombone) et de percussions (tambour, grosse caisse). La progression du niveau instrumental est rapide. Un programme de concert daté de 1876 affiche un répertoire bien structuré.
La belle époque L’année 1898 est marquée par l’arrivée d’un nouveau chef talentueux Auguste Schimmer qui occupe également le poste de secrétaire de mairie. Celui-ci, compositeur reconnu, adjoindra à l’orchestre le saxophone, le transformant en fanfare avec saxophone. Sous sa direction, ce sera la grande époque des comices, inaugurations et kermesses en tout genre. C’est aussi le temps des concours de musique ou les orchestres se retrouvent pour se classer, ou pour concourir pour un prix. 53 médailles conservées par la société témoignent de ses prestations aux quatre coins de la France. Les concours dans les communes du département sont bien entendus les plus nombreux, mais la fanfare se déplacera à Bordeaux, saint Brieuc, Paris, Honfleur et Caen…. Le concours de Bordeaux les 22 et 23 mai 1904 sera placé sous La présidence de Camille Saint Saens. La ville de Courville organisera le sien dans le cadre du comice agricole du 4 juin 1899. 17 sociétés musicales y participeront. Le 19 juin 1914 les statuts sont publiés au journal officiel. La société « fanfare de Courville » est enregistrée au titre des associations loi de 1901 avec pour objet, l’étude de la musique.
Les années spectacles La première guerre mondiale, verra une baisse d’activité liée à la mobilisation de plusieurs musiciens. La mutation de Madame Schimmer, institutrice à l’école primaire, entrainera le départ de son talentueux mari en 1921. Celui-ci nous laissera une marche intitulée « Courville », marque de son attachement à notre ville. Le recrutement d’un secrétaire de mairie verra l’arrivée de Monsieur Anthore avec charge de diriger la fanfare comme son prédécesseur. Sa présence sera de courte durée, car dès 1922 Lucien Klein qui assurait jusque-là le poste de sous-chef en prend la direction. Exerçant la profession de tailleur rue Pannard, il sera également dirigeant au sein de l’amicale Courvilloise. Les statuts de l’association sont modifiés le 24 novembre 1922. Sa raison sociale devient « société d’éducation musicale populaire ayant pour but de propager le gout de la musique par des cours gratuits individuels ou d’ensemble, par des auditions publiques, soirées musicales ainsi que de participer aux fêtes de bienfaisance et fêtes publiques ». Une troupe théâtrale connue sous le nom de groupe Lyrique lui est adjointe. C’est la période des opérettes associant la fanfare et le groupe lyrique. Les cloches de Corneville, les mousquetaires au couvent et la fille de Madame Angot feront les grandes heures de la salle Pannard. L’assassinat crapuleux de Monsieur Klein et de son épouse, le 3 novembre 1930, plonge la commune dans un profond désarroi et sonne la fin de cette période faste.
Une période de repli Gaston Tremblay lui succède. L’orchestre est modifié suivant la mode du moment en lui adjoignant une batterie fanfare groupant clairon et cors. En 1938 à nouveau changement de directeur, Monsieur Saliège prend ses fonctions. La seconde guerre mondiale mettra une nouvelle fois un coup d’arrêt à l’activité de la société. Sa demande d’autorisation d’association sera refusée par la Feldkommandantur de Chartres, en aout 1941 malgré une demande en due forme de son président le Docteur Durand. Son activité réduite ne reprendra qu’à la libération. Elle sera présente en décembre 1944 lors de l’inauguration de la place des fusillés.
Le renouveau En 1952 arrive un jeune et dynamique musicien, Jack Hurier. Compositeur prolifique, ses œuvres se comptent par dizaines. Celui réforme l’orchestre en se séparant des clairons et transforme l’orchestre de fanfare en harmonie. Un groupe de majorettes de Gironville s’associe renforçant le caractère festif de la formation. Les fêtes locales, comices, cavalcades et kermesses sont légions. Les bals organisés par l’association lors des fêtes telles que celle des brandons remporte un franc succès. Les finances permettent d’organiser un voyage tous les deux ans. Les années 70 voient le déclin de ces fêtes. Un nouvel élan est donné par son chef qui crée la « the western Company » La formation se démarque de ses consœurs par une tenue genre western et par un répertoire reprenant les airs de musique de variété à la mode du moment. Un groupe de majorette est créé. Il prendra quelques années plus tard son autonomie. Une compagnie théâtrale créé par Daniel Mussy, également secrétaire de l’association permettra de remonter l’opérette, les Cloches de Corneville. La période des participations aux cavalcades, fêtes patronales, commence. L’harmonie de Courville, ambassadrice de notre ville, sillonne les régions limitrophes. La Normandie n’a plus de secret pour elle. Les villes de la Baule, Saumur, Caen voient sa participation. Les chocs pétroliers et la désaffection des fêtes populaires mettront un terme à cette grande aventure. Dès lors, l’orchestre évoluera définitivement en formation de concert tout en continuant sa participation aux cérémonies patriotiques et festives. La création de l’école de musique municipale permet une meilleure formation des musiciens. Le niveau de l’Orchestre s’accroit.
Une nouvelle ère Le départ en retraite en 1996 de Jack Hurier, verra l’arrivée d’un directeur, avec un accent du sud-ouest. Dominique Dante relancera la formule des spectacles, associant musique, danse et comédie musicale. En 2007 Geodie Bigot, jeune musicien, reprend le flambeau. Depuis 140 ans, malgré les vicissitudes de l’histoire et l’évolution de la société, sa vocation originelle est toujours intacte. Comme au premier jour, la pratique de la musique est sa raison d’être. Souhaitons-lui 150 ans de réussite.
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